Que sont les stéréotypes selon une approche
cognitiviste ? nadine
La notion de stéréotype : fonctions et
fonctionnements.
Nous proposons ici un survol des notions de stéréotype et de
stéreotypisation.
Après une première définition, sera présentée une petite histoire des notions, puis quelques observations sur leurs fonctionnement.
Stéréotype et de Stéreotypisation
Pour Leyens, Yzerbyt et Schadron les stéréotypes sont des "croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, […] les traits de personnalité, […] les comportements, d’un groupe de
personnes"*.
Les stéréotypes sont donc une sorte d'image mentale qu'un individu a d'un
groupe d'individus et des individus appartenant à ce groupe.
La stéréotypisation est un processus qui consiste à appliquer aux individus "un
jugement –stéréotypique—qui rend ces individus interchangeables avec les autres membres de leur catégorie"**
Une personne faisant partie d'un groupe sera donc considérée comme ayant les
mêmes caractéristiques que les autres membres du groupe.
Une petite histoire du concept.
Le mot stéréotype vient du grec stereos qui signifie solide et tupos qui
signifie empreinte, marque, caractère d’écriture en Grec et modèle en Latin.
Il est utilisé initialement dans le domaine de l’imprimerie. Le mot indique alors un bloc servant à imprimer une page et pouvant servir pour plusieurs impressions (les pages étaient précédemment
composées en caractères mobiles).
Par la suite, le terme sera employé pour indiquer des actions
mécaniques.
Jusqu’au XX siècle, le mot aura une signification différente selon le domaine
d'utilisation, le trait commun y est l'idée d’un modèle, d’une forme constante.
Dans le langage commun comme dans le langage scientifique le mot aura une acception négative.
Le Stéréotype en Sciences Humaines et
Sociales.
Le terme est introduit dans le domaine des sciences sociales en 1922 par W.
Lippmann dans l'ouvrage L’Opinion publique.
Pour Lippman le stéréotype est une sorte de «carte du monde» qui permet de s’orienter dans la réalité.
Étant trop difficile de saisir la réalité dans sa complexité, on en crée des représentations simplifiées.
La relation à la réalité est donc médiate, médiatisée par ces représentations. C'est à elles que l'on réagit et par elles que l'on voit le monde. Lippman peut ainsi affirmer que "la plupart du
temps, nous ne voyons pas d’abord pour ensuite définir, nous définissons d’abord pour voir ensuite."***
Le stéréotype est le résultat du processus de
stéréotypisation.
Il s'applique aux groupes et personnes.
Tout un chacun se perçois comme membre d'un ou plusieurs
groupes, sociaux, culturels, ethniques, religieux, de genre.
Être membre d'un groupe, signifie aussi ne pas appartenir à un autre groupe : si l'on appartient au groupe 'femmes' on n'appartient au groupe 'hommes' ; si on appartient au groupe 'noirs' on
n'appartient pas au groupe 'blanc'.
Les stéréotypes s'appliquent aussi bien au groupe d'appartenance qu'au groupe spéculaire.
Fonctions et Fonctionnements :
- Le stéréotype est une généralisation qui permet de rapporter l’inconnu au
connu afin de faciliter la compréhension du monde.
- Le stéréotype est partagé. Mais ils existent aussi des stéréotypes
individuels, dans ce cas c'est un stéréotype personnel.
- Ils ont une double fonction : ils caractérisent un
groupe, mais ils servent aussi à le distinguer des autres.
- Les stéréotypes s'appliquent aussi bien au groupe d'appartenance qu'au groupe
spéculaire.
Le groupe d'appartenance est appelé endo-groupe, en opposition à
l'exo-groupe.
- Les stéréotypes peuvent être positifs ou négatifs.
- Les stéréotypes ont une valeur descriptive et une évaluative.
- Le contenu du stéréotype utilisé pour caractériser un groupe donné change
selon le contexte d’utilisation.
Nous avons dit que les stéréotypes caractérisent un groupe, mais servent aussi à le distinguer des autres.
Selon que l'on veuille définir un groupe ou le distinguer d’un autre, la différence des traits imputés au groupe
peut être considérable.
En effet les groupes peuvent être distingués sur la base des multiples
critères.
Les critères retenus dépendront de la visée du stéréotype, et du groupe avec lequel on compare le groupe
de départ.
- Les stéréotypes réduisent et enrichissent.
Les stéréotypes ne servent pas seulement à simplifier la réalité, ils permettent aussi de rattacher aux sujet
auquel ils s'appliquent des autres caractères, pas forcement
réellement présents, mais qui font sens pour le
sujet. Ainsi on pourrait dire que puisqu'un homme aime regarder le football à la télé, alors il aime aussi boire de
la bière !
- Les stéréotypes ont une valeur
normative.
Les individus se catégorisent eux mêmes comme membre d’un groupe. Une fois
apprises les normes
stéréotypiques de celui-ci, ils les appliquent à eux-mêmes.
Ainsi Marina Yaguelle**** montre que la différence de tonalité des voix des petits garçons et des petites filles est déjà perceptible avant la puberté, alors qu'aucune raison physique ne vient
sous-tendre ce fait.
- De plus les stéréotypes fonctionnent comme une grille de lecture de la réalité. Une fois que l’on a stéréotypé un individu on lira tous ses comportements en les rapportant à cette
classification : les informations ambiguës seront interprétées de façon à s’adapter à la grille, et un même comportement sera lu différemment selon l’appartenance
de la personne à tel ou tel groupe.
Stéréotypes, endo-groupe et exo-groupe.
- Les individus ont tendance à considérer les autres groupes comme plus
homogènes que leur groupe
d’appartenance.
Remarquons sur ce point que l’exogroupe est ressenti comme plus homogène tant que le sujet considère son
groupe comme majoritaire.
En revanche, quand le sujet se sent partie d’une minorité il aurait tendance à homogénéisé l’endogroupe pour
lui conférer un caractère plus compact, une « éntitivité»***** majeure, qui peut rassurer et
justifier des
éventuelles requêtes.
- La composant évaluative des stéréotypes peut être définie selon sa profitabilité au groupe d’appartenance du
sujet (auto-profitabilité) ou au groupe extérieur (hétéro-profitabilité).
On remarque que les stéréotypes "extrêmes" généralement vont avoir une valeur positive pour l’auto-profitabilité
et neutre pour l’hétéro-profitabilité, ou alors neutre pour l’auto-profitabilité et négative pour l’hétéro-profitabilité.
- Les jugements sur les membres d’un groupe ont tendance à être plus extrêmes
(tout noir ou tout blanc) envers
les membres de l’endogroupe si le sentiment d’appartenance de la part du sujet à son groupe est fort, et vers
l’exogroupe si le sentiment d’appartenance est faible.
- Remarquons aussi que les stéréotypes se constituent à partir des informations disponibles sur un groupe. Quand les informations sont rares,
la stéréotipisation et l’homogénéité attribuée au groupe seront plus
importantes (en ça le choix du type de personnes dont on parle et dont on parle pas dans les médias est fruit et ciment des stéréotypes).
Quelques distinctions.
Stéréotypes et Préjugés.
Comme on l’a dit plus haut le contenu des stéréotypes peut être positif ou négatif (les Italiens sont élégant !), alors que le préjugé est toujours négatif.
Celui-ci repose plutôt sur des croyances personnelles qui sont relativement conscientes, alors que le stéréotype se fonde sur des catégorisations semi-automatiques, et il est par là moins
susceptible d’être contrôlé.
Stéréotypes et Traits de Caractère.
Il faut aussi distinguer les stéréotypes des traits de caractère. Dire de
quelqu’un qu’il est agressif suite à sa participation à une unique bagarre, se rapproche du stéréotype – puisqu'on généralise un comportement donné à la personnalité entière du sujet en question.
Mais le stéréotype fait référence à une catégorisation qui implique une interchangeabilité entre les membres d’un groupe donné. Pour l’exemple en question le stéréotype pourrait
être de dire « il est un semeur de troubles», un membre de cette catégorie.
Stéréotypes et Rôles Sociaux.
Andersen, Katzky et Murray remarquent que les stéréotypes sont plus facilement rattachés à des rôles sociaux, qu’à des traits des caractères.
Ces chercheurs ont démontré que l’on rattache plus facilement des comportements stéréotypées à quelqu’un que l’on définirait par un rôle social
(le rôle social est toujours un substantif, par exemple « c’est un professionnel»), plutôt que par un trait de caractère (les traits de caractère étant des adjectifs, par exemple « il
est très compétant»).
On confond les attributs qui sont pré-supposés comme propres au groupe avec les qualités des individus qui le constituent.
Remarquons à ce sujet que femme indique les individus féminins de l'espèce humaine et aussi un statut social : celui de personne mariée. Ce
statut renvoie à un rôle social traditionnel.
Ce terme unique pour la femme mariée et la femme tout-court ne peut que faciliter l’assimilation de toutes femmes au rôle social traditionnelle de la femme mariée, c'est à dire celui de femme au
foyer.
Heritier****** souligne qu’en interrogeant les rapports entre genre, sexe, parenté et pouvoir on peut
voir que des rapports sociaux (économiques, politiques, religieux…) pénètrent les rapports de parenté et en deviennent des attributs.
Ces caractères sociaux de la parenté, liés au rôle social, sont ensuite compris comme des attributs idividuels, des traits de caractère. Ils ne sont plus lus comme des attributs
dus à la position dans la société, mais comme découlant naturellement du sexe de l’individu.
Fonctions Individuelles
- La stéréotypisation permet de simplifier l’environnement
pour mieux l’organiser (ou s’organiser).
- Il enrichie un stimulus par des significations.
- Il permet de rapporter l’inconnu au connu.
- Il permet aussi de se définir.
J.P Leyens*******affirme « Catégoriser permet de savoir, ou de dire,
beaucoup de choses à partir de peu d’éléments, et d’apprendre, ou de retenir, peu de choses à partir de beaucoup d’éléments
».
Fonctions Sociales
On peut dire que les stéréotypes facilitent la communication, partager des catégories rendant plus simple l’échange.
Tajfel présente ainsi des fonctions strictement sociales.
Le stéréotype sert alors à :
- Expliquer les événements par une causalité sociale : ceci revient à chercher parmi les groupes sociaux ceux qui pourraient être responsables d’un
événement donné (aussi bien social que naturel).
- Justifier le social, c'est-à-dire justifier les relations
entre les groupes, les rapports de force, les comportements d’un groupe vis-à-vis d’un autre.
- Éclairer et accentuer les différences entre groupes, dans une visée de différenciation sociale, pour maintenir ou constituer une distinction favorable au groupe
d’appartenance.
L’utilisation des stéréotypes par les médias, surtout audiovisuels, est souvent
indiquée comme inévitable. En effet le besoin d’aller vite impose d’utiliser des catégories facilement décodables par le spectateur. L’éducation aux médias se
révèle alors indispensable pour éviter des lectures caricaturales du message.
Ce texte est un extrait du mémoire Le genre en action, Susy Memo, Paris - 2008